Un ouvrage court (120 pages) qu'on n'a assez rapidement plus envie de lâcher !
Le côté témoignage sur l'immigration algérienne m'avait fait acheté ce livre, en même temps qu'un belle pile d'autres. Puis, en "concurrence" avec les autres livres, j'avais un peu hésité à me mettre à celui-ci. Enfin son tour est venu mais l'enthousiasme était parti.
"Assez rapidement" : cela ne met pas très longtemps mais on n'est pas immédiatement captivé. Oh, ce n'est pas très long. Cinq, six pages. Une dizaine tout au plus.
Alors on est vraiment conquis ! Ce qui fonctionne très bien, c'est le duo entre le volet "témoignage sur l'Algérie et l'immigration" et le volet plus intimiste sur les relations "père-fils" (et plus largement sur la façon d'être père).
La forme de l'ouvrage est a priori déconcertante mais finalement très efficace : le fils s'adresse directement au père et le lecteur suit ce qui est en quelque sorte une longue lettre au père. On est alors placé au coeur du sujet sans que jamais çà ne tombe dans une sorte de voyeurisme ou un ton larmoyant ou tout autre écueil sur lequel cette forme et le thème pouvaient facilement amener.
Cette évocation du père est vraiment superbe. Peut-être encore plus belle que sur des ouvrages que j'avais également particulièrement appréciés comme Les trois lumières (relations avec les parents) ou La légende de nos pères (sur les pères mais un peu moins "généraliste" sur ce thème).
J'en reviens à ce qui avait motivé l'achat, l'immigration algérienne.
Ce thème m'a toujours intéressé, concerné. Non pas directement, je n'en suis pas issu. Mais simplement par sa proximité, à de multiples égards : dans ma banlieue d'origine (avec notamment ce surprenant foyer Sonacotra), dans mes promenades (à Marseille ou ailleurs), dans mes relations amicales, familiales ou professionnelles, dans mes minuscules petits combats contre le racisme.
Dans ce livre, ce sont trois générations qui sont concernées par les relations franco-algériennes. Pas de grand discours, pas de grandes théories. Des faits, sur trois générations et toute une vie. La force du propos est tirée du vécu sur ce long terme.
Pas de position manichéene. Juste des constats. Des constats que nous pouvons tous faire ou presque. Mais sans les vivre de l'intérieur. C'est en quelque sorte une simple confirmation. Simple mais diablement efficace.
Avant de vous livrer quelques passages de ce livre, je termine avec une certitude : je vais voir quels autres ouvrages a écrit cet auteur car j'ai vraiment apprécié ce double côté social et individuel. Probablement ce que je vais retrouver dans Retour vers Killibegs que je viens de commencer.
"Depuis l'enfance tu nous regardes grandir, avec si peu de gestes d'affection. Pris par l'instant qui file, vous pensiez que la tendresse était innée, qu'elle n'avait pas besoin, pour se transmettre, de regards, d'attention, de mots simples, d'un filet de voix calme.[ ]. Nous nous chamaillons entre frères, sans nous inquiéter de ce manque d'échange avec les parents, le trouvant naturel au bout du compte. Une forme de manque d'amour dont nous ne nous remettrons jamais."
"Ainsi, à l'époque de l'arrivée en ville, les enfants les plus jeunes découvrent les cages d'escalier, les soirées animées sur les pelouses des parcs. [ ]. Trouvant à la rue plus d'attrait qu'un repas en famille, ils apprendront les codes d'une nouvelle jungle, les petites combines et leurs dangers"
"Vous étiez désignés terroristes, en chacun d'entre vous on voyait un artificier à la solde du FLN, un agitateur politique. La confiance s'est étiolée, plus rien ne sera possible. En voulant vous maintenir dociles, ils ont fait de vous un troupeau abreuvé de rancune."
"C'est triste une main d'homme qui n'a jamais tenu un livre entre ses doigts"
"J'aurais voulu que tu me montres, un jour de connivence, une photo longtemps dissimulée, en me disant que là, quelques jours dans ta vie, tu ne fus ni miséreux, ni soldat, ni travailleur de force, mais simplement un homme avec de la douceur au bout des doigts".
"Aujoud'hui ces orateurs parcourent les barres d'immeubles, sèment [les paroles] de l'interdit et de la soumission. Pendant que les pères surveillent leurs filles, lems garçons leurs échappent"
Bon, je m'arrête là. Il n'y a que l'embarras du choix pour les citations !